25 Sep 2018

Pour Dominique Millereux, délégué général de l’Union des Industriels et des Constructeurs Bois, le bois constitue un matériau incontournable dans la construction industrialisée, qui optimise constamment son process afin d’utiliser le bon matériau au bon endroit.

Comment se porte le marché de la construction bois en France ?

C’est variable selon les périodes et les marchés. Je parle plutôt de bois dans la construction d’une part et de construction bois d’autre part, deux choses bien différentes pour nous.
Le bois dans la construction (portes, escaliers, cloisons, menuiseries, fermettes), c’est-à-dire la combinaison du bois avec d’autres matériaux de construction, représente une part de marché beaucoup plus importante que la construction bois. Par exemple, à elle seule la charpente industrielle en bois, communément appelée fermette, représente 80 % du marché de la maison individuelle.
Il y a toutefois un intérêt et une demande croissante dans notre société pour l’utilisation de matériaux à l’image plus valorisée. Nous le voyons nettement dans le cadre des marchés publics ainsi qu’au niveau des collectivités locales. Par exemple, on retrouve bien souvent le bois dans les équipements sportifs, les plateformes logistiques ou encore les bâtiments agricoles d’élevage.
Pour autant, les maisons à ossature bois, dont on parle beaucoup dans l’habitat, ne représentent que 8 à 9 % dans la construction de la maison individuelle.
L’utilisation d’un matériau n’en supprime pas un autre dans la construction industrialisée. Au contraire, elle allie le meilleur de chacun d’entre eux. Le bois est reconnu pour son caractère isolant, le métal présente des caractéristiques mécaniques performantes. En combinant plusieurs matériaux utilisés pour leurs propriétés les plus remarquables, on est ainsi capable d’atteindre plus de performance.

Le bois a toujours eu les faveurs de la construction industrialisée ?

Jusque dans les années 1980 en France, on recourait beaucoup à la construction modulaire de type « béton, acier, bois ». La construction modulaire était une voie de la construction industrialisée parmi d’autres. Il fallait construire vite, nous étions encore dans la dynamique du baby-boom d’après-guerre. Mais à partir des années 1980, la tendance a régressé. Des entreprises comme Cougnaud ont développé, à cette époque, le marché du modulaire et en parallèle, le bois a clairement reculé en France, alors qu’il s’est maintenu dans d’autres pays européens.
Depuis 4 ou 5 ans, la construction industrialisée reprend de la vigueur, notamment pour des raisons économiques.
Elle est aussi portée par de nouveaux besoins qui incitent à construire rapidement des casernes, des logements d’urgence, des collèges…
Encore marginal dans les années 1990, le modulaire en bois s’impose ainsi 20 ans plus tard. Facile à travailler, il s’inscrit Dominique MILLEREUX aisément dans le process de la construction industrialisée.

Un process accessible, donc, avec en bonus, la dimension écologique ?

Absolument ! Les prescripteurs ainsi que les usagers demandent tous les jours des matériaux de construction écologiques et renouvelables. Alors le bois monte en puissance évidemment. En parallèle, il constitue une réponse possible à l’appauvrissement des ressources. Le bois, c’est l’un des seuls matériaux renouvelable. Pour schématiser, quand on construit un bâtiment, on coupe des arbres, le bois circule à travers l’Europe, on ne déforeste pas car les forêts sont gérées durablement. On est très loin de l’Amazonie ! Tout ceci explique pourquoi les plus grands constructeurs français ont reconsidéré le matériau bois avec un intérêt beaucoup plus fort qu’il y a 40 ans.

Au-delà de son aspect renouvelable, quels sont les autres avantages du bois dans la construction industrialisée ?

Ce mode constructif cherche en permanence des process de plus en plus propres. On sait qu’en atelier ou en usine, les déchets de fabrication sont mieux traités et mieux tracés que sur le chantier. Demain, tous les bâtiments auront d’ailleurs un carnet de traçabilité dont les données serviront à améliorer, notamment, les process de déconstruction.
La famille du bois évolue aussi et permet d’allier entre eux, différents matériaux conçus à base de bois. On voit également se développer des produits comme les EWP (Engineered Wood Products), extrêmement durables et résistants aux torsions, courbures, fissures, dilatations et contractions. Ces nouveaux matériaux reconstitués visent l’économie de matière et remplacent le bois massif de façon très satisfaisante.

Quelle sera demain la place du bois dans les procédés constructifs ?

On utilisera avant tout, le bon matériau au bon endroit et ce, de plus en plus et de mieux en mieux. On choisira le métallique parce qu’à cet endroit-là, ses qualités intrinsèques répondent à la solution recherchée. C’est vrai aussi pour le béton et le bois. Regardez comme on assiste au développement du couple bois-béton, sous l’impulsion même des architectes ! Mixer les matériaux signifie aussi un changement de culture pour les entreprises du bâtiment.
Il faudra donc trouver le professionnel capable de travailler le métal et le bois. À ce jour, ce n’est guère répandu mais je suis absolument convaincu que cela va se développer, à l’instar du Groupe Cougnaud qui a racheté Guillet Production (voir encadré ci-dessous), le spécialiste de la charpente bois.
Un vrai changement dans les pratiques dont les grands gagnants seront les assembliers, ces industriels livrant clé en main des usines, des bâtiments tertiaires, des entrepôts et des plateformes logistiques.

Interview extrait de C_La Revue#4

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